samedi 31 mai 2008

SOC - D i

3h36, hostie d’heure plate.

Je me sens invincible quand je regarde devant, les heures, jours et mois à venir.

Un chaos contrôlé, canalisé.

The Bedlam in Goliath en trame sonore,

Le pouvoir de l’image et d’un riff de guitare qui tue, Ilyena.

Je suis en fuite par en-avant : j’ai l’énergie pour poursuivre tous mes projets.

La musique, les livres, les études, la job.

Tous sont des nécessités en quelque part, par leurs apports et leurs vices.

La musique demeure toutefois celle que je voudrais à tout prix épargner.

Je n’ai pas le temps d’imaginer d’autre personnage que le moi qui s’accomplit. Pas de temps pour attendre non plus. Je suis exigeant envers moi-même et beaucoup, aussi, envers les autres. Parce que chacun doit s’accomplir, aller au bout de ses rêves, de ses plans. Car on ne peut jamais manquer de plans, pourquoi ne pas réaliser ses projets ? J’en tire un bonheur maximal.

J’ai peur de beaucoup d’idéaux politiques.

J’ai des rêves lointains, de bienveillance pour les générations à venir.

On doit beaucoup à ceux qui nous succéderont.

On leur enlève déjà trop.

Je veux leur laisser une part d’espoir, l’idée d’un monde meilleur.

La prochaine révolution sera un renversement interne.

Elle viendra sans violence car naturelle à suivre, elle appellera par la raison et les trippes.

Tag Fünf (2. Mai 2008)

Dur lendemain de veille, l'estomac fragile et la tête qui tourne encore un peu. J'ai donc décidé de prendre ça doucement : Stadtsbibliotek, Humboldt-Universität, Bebel Platz.

Je suis retourn dans Lustgarten, devant Berliner Dom, pour lire ce qu'il me restait du Savant & le Politique de Weber. Il y avait des saltimbanques en herbe et une horde pour leur donner de l'attention. Disons qu'ils ont le sens de la business : faire des pirouettes devant l'église la plus visitée de Berlin par un beau vendredi après-midi bien ensoleillé.

Sur le chemin du retour, j'ai fait la constatation suivante : plus que toute autre ville que j'ai visitée, Berlin, dans son architecture et ses ornements sculpturaux, récupère des symboles de la Rome antique. Plus que Washington, plus que Paris. De Charlemagne à Hitler, l'idée d'Empire, de Reich, est demeurée puissante dans l'ordre des représentations de la classe politique allemande. Devenue capitale prussienne, Berlin a vu jeté sur elle tous les fantasmes et expressions de la volonté de puissance des Hohenzollern. Hitler, soucieux de redonner du lustre à l'Allemagne, s'est appuyé sur le vieux fond politique glorieux, élogieux de la puissance teutonne, d'où aussi l'appellation de IIIe Reich qu'a porté son régime, et, pour compléter la quadrature du cercle, le développement d'une "architecture nazie".

J'ai fini Weber et lu cul-sec l'Existentialisme de Sartre.

Il y a une chose que je n'avais pas entièrement réalisée avant de décider de partir seul pour Berlin : je n'ai plus aucun référent. Outre mes vêtements, quelques livres, les quelques bribes de Français que j'ai pu prononcer et les 15 minutes quotidiennes que je m'accorde sur Internet, rien de tout cela ne ressemble à mon "ancienne vie". Ni mon milieu physique, ni les gens, ni mes occupations, ni de quoi satisfaire mes "goûts culturels" ne sont à ma portée pendant ce voyage. C'est vraiment très déboussolant, car tout en apparence, ou presque, ressemble à ma vie "normale" mais ne l'est pas.

Berlin n'est pas Montréal.
L'Allemand n'est pas le Français
Les gens que je rencontre ne sont pas mes amis.
L'électro qui joue en permanence à l'auberge de jeunesse n'est pas Bloc Party, Radiohead, Tool, Porcupine Tree, Portishead, Opeth, The Mars Volta, etc.

Je me demandais "What is home ?", je crois maintenant le savoir : c'est l'ensemble de tout cela, pas seulement un lieu, mais tout l'ensemble. Certes, certains éléments sont plus lourds dans la balance conceptuelle, mais tout ensemble, ils forment ce home.

These streets aren't my city
These people ain't my friends
These words aren't my tongue
These songs are not mine

This, or Madrid ou Shiraz, or Manilla, or Jupiter
I'm not quite sure what or where this is.
Where or what I am, really, in the end.

I can create a new identity
People won't notice, won't care really
I've taken off my sense of reality
'Cause, of all I know, there's no such thing.

Constant Static, y'know

* * *

1 Dis-moi ce que tu ressens quand tu vois. Plus que les traces, les couleurs, les mouvements, qu'est-ce que tu y reconnais ? Qu'est-ce qui est vrai dans tout ça ? Est-ce que c'est vraiment à ta portée ? Est-ce que tu dois tout accepter ? Peux-tu aimer des images ?

2 Dis-moi ce que tu ressens quand tu parles. Les mots, les sons, les discours, les opinions; où s'arrête le langage ? Pourquoi prends-tu paroles ? Seras-tu capable d'arrêter ? Quelle importance y trouves-tu, y trouve-t-on ? Penses-tu qu'on te comprend vraiment ? Et si l'on ne te croyait pas ?

3 Dis-moi ce que tu ressens quand tu touches. Les surfaces, les corps, le chaud, le froid, le dur, le doux ont-ils une valeur propre ? Es-tu si sûr de ce qui est bon pour toi ? Et les autres, comment te touchent-ils ? Qu'est-ce qui sépare le vide de la matière ?

4 Dis-moi ce que tu ressens quand tu bois . La joie, la peine, tout est amplifié, mais qu'y trouves-tu ? Est-ce que ça éteint la souffrance ? Est-ce que ça ne la déplace pas plutôt ? Pourquoi as-tu besoin d'être chaud ? Pourquoi cherches-tu à perdre le contrôle ?

Peux-tu nommer ce qui t'échappe ?
Qui t'échappe ?
Topographie de ta tête
Sans accès VIP

As-tu vraiment le contrôle ?

* * *
Je suis finalement sorti ave deux Grecs qui dorment dans la même chambre que moi. Ces gars-là sont l'archétype de l'Européen de ma génération : on dirait qu'ils ne connaissent pas de frontières, ils baragouinent plusieurs langues et peuvent se permettre des voyages de 3 jours à Berlin pour aller dans des clubs (20 euros pour un vol Athènes-Berlin...). Nous sommes allés au Watergate, un club ultra-exclusif avec 2 salles (l'une au-dessus de l'autre) dont un mur entier est une fenêtre donnant sur la Spree. La salle du haut a un plafond malade, comme un écran avec des lumières intégrées qui sert d'éclairage à la piste de danse. Une chance que Dimitris était sur la guest list...

Tag Vier (1. Mai 2008)

Je savais que c'était la journée des travailleurs, mais je ne savais pas que les Allemands (Berlinois en tout cas) la soulignaient aussi fermement. Brandenburg Tor s'est transformée en place de ralliement, avec scènes et kiosques, pour le SPD et plusieurs syndicats affiliés. J'ai fait des photos concept/songées avec un gobelet Dunkin' Donuts et un paquet de cigarettes devant le Reichstag et le mémorial juif.

Le monument pour les politiciens de gauche assassinés durant le IIIe Reich me semblait assez pertinent.

À l'Est, les Rouges semblaient faire leurs propres manifestations. Moi, j'ai traîné le long de East Side Gallerie. Moins frappant que je ne l'aurais cru... suis-je devenu habitué, déjà ?

Repas de fin d'après-midi dans Schöneberg... dans un resto canadien ! Je ne savais pas que ce genre de truc existait. Si l'on en croit le menü, la cuisine canadienne est composée de grillades, de hamburgers (!) et de smoked-meat (re-!!).

J'ai quitté Montréal et sa fièvre du hockey pour me retrouver à Berlin, en Allemagne, en Europe, avec la fièvre des demi-finales de la Ligue des Champions. Toutefois, je n'ai pas remarqué que les trois quarts de la ville ne font que parler de soccer...
So I enjoy, and I devour flesh, and wine, and luxury
But in my heart, I am lukewarm
Nothing ever touches me.

L'effort psychologique requis pour sortir dans un bar /club lorsqu'on séjourne seul dans un autre pays est assez grand. La gêne ? La peur d'être seul ? Pourquoi à ce moment précis ?
J'ai presque le goût de rester à l'auberge et écrire toute la nuit, mais vais-je être inspiré ? Et je ne sais pas si les endroits que je vise sont aptes à recevoir des écrivains de l'instant.

Tantôt, le barman de l'auberge m'a demandé si j'allais prendre une pinte. Suis-je si répétitif ?

In the end, j'ai accosté un gars qui était dans ma chambre, parce que je l'avais entendu demander des directions d'une bonne place pour de la bière et je savais qu'il était seul. Martin, un Anglais qui a grandit en Australie, m'a fait découvrir 3 excellentes bières allemandes :
-Franziskaner Dunkel
-Schneider Weiss
-Erdinger Dunkel
Nous avons parlé de nos pays, de voyages, de bières et de nos impressions sur Berlin.

C'est fou comme les Européens semblent voyager sur leur continent.
Ouverture <-------> Voyage
... et la proximité joue en leur faveur

vendredi 16 mai 2008

Tag Drei (30. april 2008)

Puisque le 30 avril 1945 est le jour du suicide de Hitler, j'ai décidé de continuer dans cette thématique pour visiter l'exposition Topografie des Terrors, située dans les ruines des fondations de bâtiments importants dans l'administration du régime nazi. Je n'ai pas appris beaucoup de nouveaux grands faits historiques, seulement des détails. Mais, ce sont ces détails qui m'ont plongé dans un état d'esprit plus sensible à la réalité historique, trop dure pour que l'on puisse s'en imprégner à tout moment. Pour rationaliser, il faut faire un certain travail d'abstraction.

Je n'ai pu résister à la tentation de passer par Checkpoint Charlie dans mon chemin vers le musée juif. Je trouve bizarre d'avoir laissé en place l'un des symboles les plus puissants de la division allemande à des fins de tourisme : ce rappel devrait se trouver dans un musée, et non sur l'artère achalandée où il demeure. Cela revient à garder dans la figure des Berlinois une marque superflue d'une division qui a duré 45 ans et que l'on tente maintenant de réparer.

J'ai failli entrer dans le musée juif, mais j'ai laissé tomber en voyant le nombre d'autobus de touristes qui arrivaient. Peut-être plus tard.

Hamburger Bahnof, musée d'art contemporain, n'était pas la proie des hordes. Encore une fois, il faut insister : Andy Warhol is overrated.

Souper, lecture, promenade de nuit. Je ne savais pas qu'il y a des prostituées sur Oranienburgstraβe.

Tag Zwo (29. april 2008)

Finalement, une passe d'autobus, c'est pratique : ça permet d'aller visiter tout ce qui n'est pas à distance de marche de l'auberge de jeunesse et où je ne retournerai probablement pas cette fois-ci (lire : Berlin-Ouest).

Les Églises (Kaiser-Wilhelm-Gedächtnis-Kirche, Marienkirche, Berliner Dom) sont toutes particulières. La première, trop détruite et trop moderne pour ne pas faire réfléchir à l'anachronisme de la religion. La seconde, vieille et épurée, vraiment protestante. La dernière, trop flamboyante pour être crédible comme église protestante : les Empereurs Hohenzollern ont répété la prétention du catholicisme. Ils sont confortables dans leur crypte.

La Neue Nationalgallerie a été mon moment d'assouvissement des pulsions d'art moderne/contemporain, outre l'architecture de la ville (duh !).
Gerhard Richter - Atelier
Werner Tübcke - Die Lebenserinnerungen des Dr. jur. Schulze III
Max Beckmann - Tod
Otto Dix - Flanderin
Wilhelm Lehmbruck - Der Gestürze
Lyonel Feininger - Eichelborn
Ernst Ludwig Kirchen - Potsdamer Platz
Sigmar Polke - (toute son oeuvre !)

Ma première currywurst : c'est dégueulassement bon

Marx, Engels... j'ai eu l'audace de me joindre à eux

Suite à mes réflexions, je préciserais : plutôt que "Berlin la nouvelle", il faudrait voir "Berlin, le recommencement". 1945 et 1989 sont un point zéro.

Where is home ?
What is home ?

La nuit à Berlin n'est pas celle de New York : les gens semblent changer.
J'ai vaincu le décalage horaire grâce à la magie de Coca-Cola. C'est mardi soir, on ne peut pas encore danser, alors je prends une virée au Kaffee Burger, Torstraβe, Rosa-Luxemburg Bahnof. Ce bar résume le Mile-End montréalais à merveille : les gens sont trendy, ascendant rétro, l'atmosphère est sombre, mais pas glauque, on y fait jouer du vieux rock et du indie. La différence est que l'on y entend parler Allemand, Anglais, Français. Chaque personne semble avoir une histoire, au-delà de l'image qu'elle projette par l'artifice de son style vestimentaire.

C'est terriblement européen.

Je crois que mon éducation, mon parcours ont fait de moi un européen en terre d'Amérique. Pourtant, je ne crois pas que je vivrais ici, car je n'aurais aucun endroit meilleur où je pourrais me réfugier, où j'aurais hâte de retourner : je n'aurais aucun modèle (bien imparfait, certes) que je pourrais faire découvrir en guise d'alternative à notre modèle de développement. Je crois certes que la voie allemande pourrait être empruntée par le Québec.
Seule réserve : le Québec n'est pas assez populeux pour construire et maintenir une ville comme Berlin.

J'ai connu plusieurs villes où des cours d'eau créent des barrières psychologiques, sociales, culturelles : Paris, New York, Montréal. À Berlin, la Spree se fond dans le décor, devenant un simple passage pour péniches. La division est ailleurs : elle se laisse apercevoir par l'état des édifices, leur âge, quelques fractions de béton, une ligne au sol de temps en temps. Toute ville semble avoir ses divisions : à l'intérieur de l'ensemble géographique se créent des sous-ensembles culturels, sociaux, comme des micro-nations ayant leurs propres référents représentationnels.

Être seul dans un bar est une situation particulière : rarement les gens en groupe vont aller voir les gens seuls, ce qui fait que les solitaires doivent rester seuls ou bien s'agglutiner. Les conversations dans un tel contexte de regroupement sont particulières, alcool aidant, à mi-chemin entre profondes et superficielles. Cela étant, quelqu'un doit toujours briser la glace : ces gens qui vont de l'avant sont soit très extravertis, soit très seuls, parfois les deux. Cela demeure toujours un acte de courage, car comme on connaît la nature humaine, on risque parfois de se frapper à un mur d'hostilité ou d'indifférence. Les regards sont un lieu stratégique de l'approche : toute chose étant, notre rapport au visuel demeure primordial, ce qui varie, c'est l'importance que les gens y accordent dans la balance totale. C'est là que se situe la limite entre profondeur et superficialité.

The panopticon stays out of reach, but one can always hope to get closer to it.
An absolute.
Truth is what we make of it.
How we choose to treat it.
Our freedom.

Volker, Kaffee Burger
So viele leute, so wenig Zeit.
Céline, Kaffee Burger
--> C'est avec ces gens rencontrés par hasard que j'ai passé le cap symbolique de 20 à 21 ans. Cette année, je ne me sens pas plus vieux, plutôt presque plus jeune.

Tag Eins (28. april 2008)

Jet-lagged and tired, mais on dirait que Berlin ne veut pas que je m'endorme. C'est pour le mieux, parce que la ville sous-tend une énergie forte qui donne envie de ne pas manquer un moment de son temps.

Je suis assez fier : un Allemand m'a pris pour un Berlinois et m'a demandé des directions... dommage pour lui, il n'en a rien pu retirer.

Berlin-Est est suspendue dans le temps, entre hier, aujourd'hui et demain. Berlin la nouvelle se réinvente, se repense toujours : les grues rappellent que l'histoire se poursuit. J'ai visité la tombe de Hegel. Ost-Berlin n'est pas ankylosée par son passé : elle observe son temps et crée sa réalité. Ici, on pense le monde autrement.

"I choose to do something positive for someone else"

L'Allemagne a ses regrets, mais elle n'est pas meurtrie : elle a maturé, grandi.

"How long is now"

Une sieste, ouais.


Promenade de soir sur Friedrichstraβe et à Potsdamerplatz. Il reste des pans du mur. Plus tard, un employé de la Jugendherberge viendra confirmer mon intuition : la division demeure.

Des nachos et une bière pour souper : je dors déjà.